samedi 10 avril 2010

5 - Hallucinations et honte

POV Edward :

Je traversais le couloir à toute vitesse, courant comme un dératé pour m’éloigner le plus rapidement possible de la source de mon désespoir. Bella… si seulement j’avais osé aller vers elle, faire le premier pas, au lieu de me faire de fausses idées ! Si seulement j’avais été moins con… c’est de moi qu’elle serait enceinte à l’heure qu’il est et non de ce Gadget… si… si… si…
Tous mes rêves, tous mes espoirs venaient de se casser la gueule royalement, me laissant seulement avec un trou béant à la place du cœur.
Je portais vivement une main sur mon visage afin d’essuyer les larmes qui menaçaient de perler aux coins de mes yeux et continuais à courir, sans me rendre compte de là où j’allais, lorsque, brutalement, je percutais un mur. Un mur qui me colla un pain en plein visage…

Eeeh ! Depuis quand les murs rendent les coups ?

- Qu’est-ce que tu fous ici, espèce d’enfoiré ? éructa une grosse voix menaçante et étonnement familière.

Je levais les yeux en direction de la voix et clignais des paupières à quelques reprises avant d’apercevoir avec stupeur le visage à la fois colérique et particulièrement agressif de mon frère. Ses yeux, d’ordinaire si doux et pétillants de malice, lançaient des éclairs et ses lèvres étaient pincées, figées en un rictus excessivement mauvais. Ses bras étaient alignés le long de son corps et ses mains, serrées en forme de poings, tremblotaient.

- Emmett ? Que…
- J’ai dit : qu’est-ce que tu fous ici ?
- Bella… je… je venais voir Bella…

Ma voix me trahit, à la fois cassée par les sanglots qui menaçaient d’éclater, et chevrotante d’émotions à l’idée de l’avoir perdue à jamais, tout ça par ma faute.

- Ah ouais ? T’as voulu voir par toi-même le mal que tu lui as fait hier soir ? Espèce de salopard pathétique… si t’étais pas mon frangin, je te tuerais de mes propres mains…
- Vas-y Emmett… te gêne surtout pas pour moi… puisque j’ai tout gâché encore une fois !


Voyant qu’il ne réagissait pas, toujours figé dans la même position, je repris ma route ; il fallait à tout prix que je m’éloigne de ce lieu maudit… maintenant. De toute façon, je n’y ai plus ma place…

- EH ! Tu crois aller où comme ça ?
- Je me casse Emmett… J’me tire… je n’ai rien, plus rien à faire ici…
- QUOI ? Tu vas laisser Bella se démerder comme ça ? T’as pas l’intention d’assumer quoique ce soit ?

Assumer quoi ? De quoi il parle ?

Son regard affichait clairement l’ébahissement pur et simple, le dégoût, ainsi que la colère froide.

- C’est ce que je fais en me tirant d’ici, justement…
- En fuyant ? Espèce de lâche, pauvre con, sale mauviette, bi…
- Je ne fuis pas, j’assume mes erreurs et vais désormais laisser la parfaite petite famille de la chambre 438 en paix… je… je…

Faut que j’oublie tout ce qui est Elle…

Je ne savais pas quoi dire de plus, je n’en avais pas envie de toute façon… le vide, faire le vide, je n’en demandais pas plus… je repris mon chemin en courant, croulant sous les injures de mon frère qui ne cessait de hurler, entre deux insultes « c’est ça, fuis espèce de lâche ».
Il fallait que je m’éloigne… que je parte… loin… le plus loin d’ici…
Je sortis enfin de l’hôpital et passais en courant devant la voiture de Jasper, sans même lui jeter un regard. Je n’avais pas besoin de sa pitié et de sa compassion, et encore moins de ses discours moralisateurs et empathiques. Je devais partir… loin, très loin d’ici… et ne pas revenir tant que je ne l’aurais pas oubliée… Bella… Ma Bella…
Et ça faisait si mal, putain ! Merde, c’est mon môme qu’elle devrait porter, notre enfant ! Pas celui de l’autre Gadget…je suis persuadé qu’on serait heureux tous les trois…
J’arrivais finalement sur l’artère principale et hélai un taxi ; quelques secondes plus tard, je m’engouffrai dans le véhicule qui s’était arrêté à ma portée. Une vingtaine de minutes plus tard, je jetai un billet de 20 dollars au chauffeur et entrai chez moi, filai dans ma chambre, attrapai un sac à dos que je bourrais de vêtements, pris mon passeport, ma carte bancaire, puis à peine arrivé en bas, je fus stoppé dans mon élan par Kate et Tanya.

- Ed ! Où tu crois aller comme ça ? Qu’est-ce que tu fais ? S’inquiéta Kate.
- Loin… Faut que j’parte d’ici… je…
- Ed, c’est une erreur, tu ne te rends pas compte, tu te trompes…
- Tais-toi Kate, j’ai pas le temps. Garde les clefs et si ça va pas, que t’as besoin d’être au calme ou de réfléchir, viens ici et fais comme chez toi…

Alors que j’atteignais la porte, Tanya me rattrapa et m’agrippa violemment par le poignet.

- Edward ! Calmes-toi bon sang ! C’est un malentendu, je…
- STOP ! Tanya… ça fait plus de quatre mois que je nage en plein « malentendu » comme tu dis et ils m’ont coûté mon idéal et ma santé mentale. Trop, c’est trop, j’ai besoin de… J’ai besoin de faire le point, j’ai besoin de me changer les idées… Je veux juste son bonheur… elle a un avenir heureux qui l’attend avec Gadget et son enfant…
- Ed ! Tu te…

Le reste de ses paroles ne m’atteignit pas tant j’étais pressé de quitter les lieux. Une fois dehors, mon sac sur le dos et mes papiers en poche, je courais jusqu’à la station de métro la plus proche, comme si ma vie en dépendait et pris la rame en direction de l’aéroport. Je pris le premier vol en partance que je pus attraper, un avion pour le Mexique. Pour une première étape, c’est une bonne destination, peut-être que le soleil me réchauffera légèrement le corps et le cœur…mon cœur brisé par tous ces malentendus et allègera un tant soit peu ma peine…ma peine de Bella…
Je regardais par le hublot les immeubles rapetisser, devenir de minuscules petits points pas plus gros que des insectes, toutes mes pensées concentrées sur la merveilleuse jeune femme, allongée dans un lit d’hôpital, et qui donnerait bientôt la vie… d’un autre que moi.


POV Emmett :

Ouf ! Tout va bien… Bella n’a rien… les jumeaux vont bien… Je ne sais pas ce que j’aurai fait s’il leur était arrivé quelque chose…
J’ai passé toute la nuit et toute la matinée ici, à boire des cafés infectes ou tenir la main de Bella lorsque les infirmières ou les médecins m’autorisaient à la voir. Pfff… Faut que j’me rafraîchisse un peu, moi, je commence à sentir le chacal… Bella ne m’en voudra pas que j’utilise la salle de bains de sa chambre, au contraire, ça la soulagera ! Je sais qu’elle ne supporte plus les odeurs fortes et honnêtement, ça fait plus de 24 heures que je traîne dans mes fringues. Allez hop, passage à la boutique de l’hôpital ! J’y trouverai bien un déodorant et un gel douche, non ? Même un teeshirt et un calbut, en cherchant bien !
Ben tiens, c’est à croire qu’il surveille mon départ celui-là ! Garrett… Il m’énerve à draguer ma p’tite belle-sœur ce type… C’est pas qu’il est méchant ou con, non ! Au contraire, il est très sympa… mais Bella est à mon frangin… Enfin… était. J’en reviens toujours pas de c’qu’il a osé faire hier soir… C’était pas mon p’tit frère, ça… Mais qu’est-ce qu’il a bien pu branler ce con ? Pourquoi a-t-il fait ça ? Je ne le reconnais plus… depuis cette nuit où leurs routes se sont croisées, Edward n’est le plus même !
Pff… La vendeuse de la boutique de l’hôpital me fait du gringue. Pas la peine de perdre ton temps, chérie, je suis casé et heureux avec ma Rosalie !
Ma belle n’est pas avec moi : ma petite Rose était crevée, je l’ai envoyée chez Alice et Jasper, qu’elle se repose. Le lutin survolté tombé dans une marmite d’amphétamines quand elle était petite est parti chez Bella pour prendre quelques affaires. Ça doit bien faire deux heures qu’elle a filé, tout ça pour prendre deux jeans, deux teeshirts, deux pulls et quelques sous-vêtements ! Cette Alice est une vraie folle dès qu’on parle vêtements… et la connaissant, elle a dû intégralement vider les placards de Bella et surtout dresser un inventaire de sa garde-robe.
Je remonte jusqu’à l’étage de la chambre de Bella, je l’entends crier et pleurer, elle appelle désespérément mon frère… Je vais lui faire bouffer ses couilles à celui-là quand je le croiserai, c’est tout ce qu’il mérite !
EH ! Mais qu’est-ce que… Putain ! Edward ? Il court tête baissée dans le couloir et ne m’a pas vu arriver, il va si vite que je n’ai pas le temps de l’esquiver et il me percute de plein fouet. Je ne sais pas pourquoi, mais dès que son visage se lève, mon poing part tout seul à la rencontre de sa joue… Il a l’air complètement ahuri et moi, j’ai les nerfs à vif.

- Qu’est-ce que tu fous ici, espèce d’enfoiré ?

Il lève les yeux vers moi et me voit sans me voir puis il cligne des yeux et son visage, tout comme son regard, est vide d’expression, mis à part, à la limite, une légère stupeur. Quant à moi, je suis obligé de serrer les poings pour ne pas l’envoyer aux urgences. Remarque, le chemin pour y aller ne serait pas trop long ! Après ce qu’il a fait, il n’a pas le droit d’être là… Edward ouvre la bouche, la referme, la rouvre, la referme… puis finit par prendre la parole d’une voix lugubre.

- Emmett ? Que…
- J’ai dit : qu’est-ce que tu fous ici ?
- Bella… je… je venais voir Bella…

Sa voix est cassée et tremblotante de je-ne-sais-quoi.

- Ah ouais ? T’as voulu voir par toi-même le mal que tu lui as fait hier soir ? Espèce de salopard pathétique… si t’étais pas mon frangin, je te tuerais de mes propres mains…
- Vas-y Emmett… te gêne surtout pas pour moi… puisque j’ai tout gâché encore une fois !


Il joue à quoi, là ? C’est à croire que Monsieur voudrait que je le plaigne ! Il peut toujours aller se faire foutre ce pauvre con ! Reste calme, Emmett, reste calme… pas la peine de monter sur tes grands chevaux pour un abruti pareil. Eh ! Mais… mais c’est qu’il se barre ce con !

- EH ! Tu crois aller où comme ça ?
- Je me casse Emmett… J’me tire… je n’ai rien, plus rien à faire ici…
- QUOI ? Tu vas laisser Bella se démerder comme ça ? T’as pas l’intention d’assumer quoique ce soit ?

J’hallucine ! Il est allé voir Bella et il se barre, comme ça, comme si c’était normal ! Elle se retrouve avec un polichinelle dans le tiroir - enfin… deux ; elle est très affaiblie par sa grossesse et lui n’y prête pas plus d’attention que si elle n’était qu’un vulgaire coup de bite ! J’y crois pas ! Il apprend qu’il va être papa et s’en branle comme de sa première chaussette !

- C’est ce que je fais en me tirant d’ici, justement…

Mais oui, c’est ça ! À d’autres…

- En fuyant ? Espèce de lâche, pauvre con, sale mauviette, bi…
- Je ne fuis pas, j’assume mes erreurs et vais désormais laisser la parfaite petite famille de la chambre 438 en paix… je… je…

Quoi ? Il « assume ses erreurs » en se barrant ? Mon cul ouais ! Il ne pense qu’à sa gueule ce sale type égoïste ! J’ai honte de partager le même sang que lui… Ben tiens ! Voilà qu’il se barre en courant maintenant !

- T’as raison ! Dégage connard ! Tu ne la mérites pas ! Ils seront bien mieux sans toi ! Allez, c’est ça ! Fuis espèce de lâche !

Sale petit merdeux… Sa sale gueule vient de disparaître au fond d’un couloir. Quoique… après tout, c’est peut-être la meilleure décision qu’il ait pris… la fuite.
Je me retourne pour aller rejoindre la petite Bella et mes futurs neveux et/ou nièces et m’aperçois que tout le monde me regarde, patients, visiteurs, personnel médical. Oups ! Je me suis donné en spectacle… Pas fais gaffe, désolé. Ben quoi ! J’y peux rien, j’suis un impulsif ! Surtout quand je vois l’attitude déplorable de mon propre frangin…
J’arrive dans la chambre de Bella, elle sanglote et se débat tandis que Garrett tente de la repousser pour qu’elle s’allonge ; j’agrippe Bella fermement par les épaules et l’oblige à se remettre au lit.

- Non ! Je dois le voir, je…
- Bella, tu dois rester alitée, pense aux bébés ! Essaye de la raisonner docteur dragueur.
- EDWAAAAAARD ! EEEEDWAAAAAAAAARD !

Ça me déchire le cœur de l’entendre appeler mon fran… l’autre désespérément. Va falloir qu’elle se fasse une raison la p’tite, mais même si l’autre gland n’assume pas, je le ferai ! Eh ! Ce sont mes neveux ou nièces qui se trouvent bien au chaud dans son p’tit bidon !
Je m’assois à côté d’elle sur le lit et la serre contre moi. Elle enfouit son visage dans mon épaule et pleure toutes les larmes de son petit corps pendant que je la berce doucement en lui caressant les cheveux.

- Ssssh Bella… Je suis désolé… Edward ne reviendra pas… Il… il n’a pas l’intention d’assumer, il… enfin, il a bien dû te le dire lorsque vous avez parlé, non ? Mais t’inquiè…
- De quoi tu parles, Emmett ? Nous n’avons pas parlé, il est juste…
- Comment ça ? Mais bien sûr que si vous avez parlé !

Mais de quoi elle parle ? Elle délire, la pauvre…

- Non… Nous n’avons pas parlé… Il… Edward est passé et il nous a surpris avec Garrett… On discutait puis il m’a embrassée et… Edward a dit que… qu’il était content que j’aille bien…
- Quoi ? Mais… Pourquoi il m’a parlé des enfants si…
- Comment Emmett ? Qu… qu’est-ce qu’il t’a dit ?

Bella est tendue et son visage est d’une pâleur cadavérique, elle fait peur à voir. Je lui rapporte la conversation musclée que j’ai eue avec mon frangin et elle plonge son visage entre ses mains, tirant sur les mèches de cheveux qui passent devant ses yeux avant de se remettre à sangloter violemment lorsque je lui dis qu’Edward laissera en paix la « parfaite petite famille »…

- Noooon ! Pourquoi ? Mais pourquoi j’ai fait ça ?
- De quoi tu parles, Bella ?

Ses grands yeux bruns larmoyants plongent dans les miens tandis que docteur dragueur essaye de lui caresser tendrement le visage ; elle le repousse brusquement.

- Je n’ai pas discuté avec Edward… il a surpris ma conversation avec Garrett et… Oh mon dieu… C’est pas vrai !

Bella se fige, les mains jointes devant sa bouche en une prière silencieuse et se remet à pleurer.

- Quoi Bells ! Dis-moi !
- J-j-je pense qu’il croit que Garrett est le père… Nooooon !

Oh merde… c’est la cata.
Au moment où j’attrape mon téléphone pour contacter toute la clique, Bella se relève et essaye de partir. Je l’empoigne et la remets de force au lit puis retourne à mon portable pour envoyer un message à la bande. Le docteur dragueur réconforte Bella en lui parlant à voix basse et je vois la miss se raidir aux paroles de Garrett, j’y prête une oreille un peu plus attentive…

- …ne te mérite pas… tu vaux mieux que ça… pense à tes enfants…
- Je t’ai déjà dit non, Garrett et la réponse reste la même ! C’est lui que je veux… pour moi et pour eux… et je la vois passer une main sur son p’tit bidon.

Bella est en colère et devient une vraie furie avec Garrett. Je m’approche d’eux et tente de comprendre pourquoi elle réagit comme ça face à lui.

- …mais ce mec ne te mérite pas, Bella !
- Arrête ça tout de suite, Garrett ! Tu ne le connais pas. C’est… c’est le père de mes enfants !
- Redescends sur terre, voyons ! Je suis médecin, n’oublie pas. Ce mec a un gros problème avec l’alcool, ça se voit tout de suite ! Tu te retrouveras toute seule avec tes enfants, il sera incapable d’assumer quoique ce soit !

Non mais il se prend pour qui, celui-là ?!

- Eh toi ! C’est de mon frangin que tu parles ! Et il n’a pas de problème de boisson !
- Emmett, ouvre les yeux ! C’est peut-être ton frère, mais c’est aussi un alcoolique ! Bella mérite mieux que ça! Et les jumeaux ont besoin d’un père, pas d’une loque-AÏE!

Je n’ai pas eu le temps de lui coller mon poing dans la gueule, Bella s’en est chargée pour moi. Elle est envahie par la fureur, le visage rouge comme une pivoine, les yeux qui lancent des éclairs et on verrait presque de la fumée sortir de ses narines et de ses oreilles. On dirait une cocotte-minute sous pression. Elle n’a pas ménagé ses forces et secoue sa main en soufflant dessus tandis que Garrett se tient le nez.

- Garrett, je t’apprécie beaucoup, tu es un ami, mais ça s’arrête là. Il n’y aura rien entre toi et moi, ni maintenant, ni demain, ni jamais. J’ai eu un moment de faiblesse tout à l’heure, je n’aurai jamais dû me laisser aller. J’aime Edward et au risque de t’étonner, je suis responsable de son problème d’alcool. J’ai besoin de lui, seulement lui et s’il ne peut pas me retourner mes sentiments, je préfère être seule, parce que c’est lui et ce sera toujours lui. Maintenant, j’aimerai que tu sortes, j’ai besoin de me calmer et je n’y arriverai pas tant que tu seras là.

Le dit Garrett ouvre et referme sa bouche à plusieurs reprises comme un poisson hors de son bocal avant de souffler lourdement en secouant la tête puis de sortir. Bella, quant à elle, retombe dans son lit en pleurnichant alors que je préviens les potes. Jasper arrive comme un dingue en même pas trente secondes. Wow ! C’est Flash Gordon ou quoi ?

- J’étais sur le parking, j’avais déposé Eddy tout à l’heure. Qu’est-ce qu’il se passe ? Je l’ai vu se barrer en courant et prendre un taxi ! Tu lui as parlé, Bella ?

Pour toute réponse, la petite puce redouble de larmes sous le regard surpris de Jasper.

- Jazz, on a un problème…
- Quoi Emmett ?
- Eddy sait que Bella est enceinte mais il ne sait pas que c’est lui le père…


POV Edward :

Cela faisait… trois semaines ? Un mois ? Pff… j’m’en fous… que j’étais à Tijuana, écumant cantinas et bars l’un après l’autre. Je me noyais dans l’alcool jour après jour et dans les femmes… Ou du moins, j’essayais. J’étais tellement rond que ma libido avait atteint le zéro absolu…
Un soir de biture, après m’être fait jeté d’un bar parce que je draguais la fiancée du patron, j’étais tombé sur un étrange vieil homme qui s’approchait résolument de moi. Ce vieux bonhomme était petit, courbé et tordu par les ans et j’étais incapable de lui donner un âge. Ses muscles étaient noueux et sa peau parcheminée et burinée par le soleil. Ses longs cheveux blancs tressés lui tombaient jusqu’à la taille et il était vêtu d’une simple tunique, d’un pantalon en toile, d’un poncho et portait des sandales en cuir râpé aux pieds.
J’étais scié, complètement scié par ce vieux fou qui vint à moi la main tendue et m’apostrophait d’un « salut Edward ! » souriant de toutes ses dents… enfin plutôt des quelques chicots qui restaient dans sa bouche édentée. En l’espace de cinq minutes, il me raconta MA vie. S’il y avait eu des gens autour de nous, ils auraient cru que ce type ne m’avait pas vu depuis des lustres et qu’il me connaissait depuis toujours. Il m’expliqua qu’il avait eu une vision dans laquelle on lui annonçait ma venue et qu’il était là pour m’aider à y voir plus clair… Une vision ? Et quoi encore ! Une boule de cristal et des grigris aussi ?
Ce vieux fou était si cryptique dans ses propos que je n’y comprenais rien ! Il m’emmena avec lui en plein désert, à dos d’âne. Il habitait une maison troglodyte bien cachée à flanc de montagne. Je n’eus pas le temps de découvrir les lieux, la nuit était noire et sans lune et j’étais tellement bourré que je m’écroulais sur une couche en à peine quelques secondes.
Lorsque je m’étais réveillé le lendemain matin, il faisait bon dans la maison. J’entendais des chants étranges venant de l’extérieur et je trouvais mon vieillard devant une espèce de « tente », mélange parfait entre le tipi amérindien et la yourte mongole, en train de psalmodier divers chants tribaux tout en fumant une pipe, croisement entre un shilom* et un calumet de la paix. Il m’accueillit avec un café et un sourire bienveillant ; ses yeux noirs comme la nuit pétillaient de malice et tout en lui révélait une immense sagesse. Il m’expliqua qu’il allait me guider pour mon voyage, mais qu’avant cela, je devais m’y préparer et me purger. Il m’apprit qu’il s’appelait Yahuengo et qu’il était un sorcier Yaqui. Les « esprits » lui avaient donné une mission au cours de sa dernière transe, celle de m’aider à trouver mes réponses. Avais-je au moins les questions ??
Je m’étais mordu les lèvres pour ne pas rire, persuadé que ma famille ou mes amis me faisait une blague ou que j’avais affaire à la caméra cachée, mais peu à peu, je commençais à avoir des sueurs froides tout le long de la colonne vertébrale et être passablement effrayé lorsque Yahuengo me révéla des détails et des faits connus de moi seul… Bien que la peur soit présente, le vieil homme était la gentillesse et la sagesse incarnées, puis au fur et à mesure que s’écoulait cette première journée, je me détendis.
Ensuite, deux jours durant, le vénérable sage me fit boire des tisanes à base d’herbes séchées dont je ne connaissais pas le nom, afin de « purifier » mon organisme et mon âme, puis me fit fumer ses plantes et inhaler certaines vapeurs pour me préparer à mon voyage. C’est dingue ce que je pouvais transpirer ! Mais… je me sentais bien… léger… incroyablement léger… presque serein. Lorsque je lui demandais la raison de ma présence ici, avec lui, le vieil homme restait évasif, me répondant simplement « attends et tu verras ».
Au matin du quatrième jour, il m’amena un bol en terre cuite contenant une boisson étrange et assez épaisse, d’une drôle de couleur, à la fois brunâtre et rougeâtre. L’odeur était vraiment bizarre, ça ressemblait à un mélange de boue et d’herbe coupée. J’étais franchement sceptique quant à ses intentions, mais le vieux shaman me répétait simplement :

- Bois et attends, tu apprendras ce que tu as besoin de savoir. Bois et attends que les réponses viennent à toi.
- Mais quelles réponses, Yahuengo ?
- Bois. Elles viendront à toi…

Je ne savais pas pourquoi, mais je voulais lui faire confiance. Je bus la mixture d’une seule traite, c’était épouvantable. Elle était assez amère, très même et me brûlait l’estomac. Le vieux sorcier partit vaquer à ses occupations, me laissant seul, tandis que j’observais la beauté simple du paysage alentour, bien que le désert en lui-même soit assez austère, puis j’attendis… J’attendis… J’attendis…
Le décor changeait. Au lieu d’une immensité jaune et bleue, désert et ciel, je vis des centaines de nuages filandreux se créer puis passer à la vitesse de la lumière en tournoyant, créant une espèce de vortex étincelant entre la réalité et le rêve. Puis la nature se mit à se métamorphoser, les cactus bougeaient et paraissaient vivants, l’étendue désertique, immuable, intemporelle, prenait vie sous mes yeux, sous mes mains, sous mes pas, les cailloux gonflaient ou rapetissaient et flottaient dans l’air comme des bulles de savon, les quelques touffes d’herbe séchée dansaient comme des flammèches, minuscules feux follets luminescents et vibrants de vie. J’observais béatement la beauté de ce spectacle, et vis des serpents venir à moi et je conversais avec eux. Bien que les reptiles ne m’apprennent rien de nouveau, l’expérience était fabuleuse. Dans un éclat de lucidité, je compris que le shaman m’avait donné un hallucinogène quelconque et je me mis à paniquer… et à me sentir mal… très mal… horriblement mal… terriblement angoissé… oppressé… et brusquement, une voix éthérée, déformée par mon trip, se fit entendre.

- Laisses-toi aller… Ne réfléchis pas… Ne pense pas… Tout va bien… Laisses-toi porter… Tout ira bien…

Je décidais de faire confiance à la Voix et me laissais guider par les couleurs, les formes et les sons… Je déambulais librement dans l’immensité de l’espace et du temps, des bulles aux reflets irisés ayant remplacé les étoiles et les planètes. Je me laissais dériver dans les méandres de la Connaissance au rythme de la mélopée tribale qui retentissait dans les airs et finis par trouver un chemin en contrebas. Je me laissais guider par le grand arc-en-ciel serpentant au sol, par le grand lézard doré qui suivait la route aux sept couleurs et je vis…
Je me retrouvais fugitivement dans le passé avec Bella, je revivais cette nuit-là… puis je vis à nouveau Bella, à chaque fois que nous nous étions croisés… je voyais ces moments comme totalement décomposés et observais les éléments dont je n’avais pas été conscient au départ, tous ces détails absurdes qui avaient engendré tant de malentendus, de malheurs et de peine… Je vis le corps de Bella se déformer subitement puis elle disparût totalement et à la place se trouvait une espèce de sphère… je me retrouvais têtard nageant au milieu des eaux troubles contenues dans la sphère… je vis deux petits points nager avec moi, devenant également têtards, puis bébés… deux bébés reliés par un cordon… tout se mêla dans un maelstrom de couleurs et de formes puis s’évapora… je me revis avec elle, ma Bella, quelques années plus tard… tenant deux enfants par la main… un garçon… une fille… parfaits mélanges de Bella et moi…
J’avais envie de me perdre dans ces images, aller dans cette réalité se jouant devant mes yeux, les rejoindre elle et nos enfants, je voulais y croire et je me laissais glisser dans ce délire illusoire où je me voyais enfin heureux… Je me sentais tellement bien dans ce monde chimérique ! Puis toutes les images se mélangèrent, donnant lieu à une spirale de couleurs vives et chatoyantes et de formes psychédéliques puis je fus brusquement aspiré en arrière, passant à nouveau par le vortex pour me retrouver dans le vide, le néant, le noir. Il n’y avait plus rien, ni personne et je sombrais…
Je sentis quelque chose de frais et humide sur mon front. Je reprenais doucement conscience mais je n’avais toujours pas ouvert les yeux. Je me sentais… bizarre, à la fois lourd et léger, engourdi et alerte, embrouillé et clair… puis j’entendis le rire du vieil homme retentir dans l’air.

- Tu peux ouvrir les yeux, Edward ! Ton voyage est terminé, tu as obtenu tes réponses.
- Hmmm… B’jour ! Ça fait combien de temps que je comate comme ça ?
- En comptant ton voyage ? Quatre jours.

Wow ! J’étais resté inconscient pendant plus de trois jours ? Je m’aperçus que j’étais étendu sur ma couche, seulement vêtu d’un boxer, trempé des pieds à la tête et enveloppé dans une couverture tissée à la main. J’essayais de me lever mais la tête me tournait légèrement et je me sentais faible, aussi je me relevais en position semi-couchée, appuyé sur un coude.

- Non jeune homme. Ton voyage a duré trois jours et il t’a fallu une journée complète pour récupérer.

J’étais bouche-bée devant le vieux shaman qui me donnait l’impression de lire dans les pensées. Mais ce qui me sidérait le plus, c’est que je n’avais pas du tout l’impression d’avoir été déconnecté aussi longtemps de la réalité. Que m’avait donc fait ce vieux bonhomme ?

- Euh… C’était quoi ce truc, Yahuengo ? Qu’est-ce que tu m’as fait prendre ?
- C’est du Jaghé additionné à d’autres choses.
- Du quoi ?

Le vieil homme s’assit près de moi et me tendit un verre d’eau fraîche que je bus avidement, ainsi qu’une bassine. Avant que je lui en demande la raison, de violentes nausées s’emparèrent de moi et la bassine en fut bientôt remplie…

- Le Jaghé nous sert à communiquer avec les esprits, il nous permet également de savoir. Tu avais besoin de réponses, ton voyage t’aura permis de les trouver.
- Mais c’est quoi exactement, ton truc ?
- En général, nous ne nous servons que d’une liane bien particulière. Dans ton cas, j’y ai ajouté un peu de datura et du peyotl afin que tu aies le plus de réponses possibles dans le court laps de temps qui t’était imparti. Maintenant, tu dois te reposer, une longue route t’attend mon ami.

Je n’eus pas le temps de lui demander ce qu’il entendait par-là que je tombais à nouveau dans un profond sommeil…

Yahuengo m’avait raccompagné à Tijuana ce matin et m’avait déposé devant une pension de famille. Je m’étais attaché à cet étrange vieillard, même si je n’avais pas vraiment apprécié qu’il m’ait drogué à mon insu. Quand je pense que le pire que j’avais fait jusqu’à présent était d’avoir fumé un pétard…
Il me fit une franche accolade que je lui rendis, me demandant silencieusement si je le recroiserais un jour.

- On ne sait jamais, mon jeune ami, tout est possible… Prends soin de toi et des tiens maintenant, ne te préoccupe pas de moi. Adieu !

Il remonta sur son âne et reprit la route ; je le suivis des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse au loin, qu’il ne soit plus qu’un infime point à l’horizon, dans le soleil. J’entrais dans la pension et pris une chambre et après y avoir déposé mon sac, je descendis me balader.
Je n’arrêtais pas de penser à ce soit-disant voyage que j’avais fait grâce à lui et je n’en comprenais pas le sens. Tout ce que j’y avais vu me rattachait à Bella, et bien que ce soit ce que je désirais le plus au monde, je savais que c’était une chose impossible. Et puis, il me fallait bien admettre que j’avais eu une expérience hallucinatoire après avoir été drogué, rien de ce que j’avais « vu » n’était vrai ou réalisable, c’étaient de simples hallucinations… Je grognais et entrais dans la première boutique que je trouvais afin d’y acheter quelques bouteilles de tequila et de mezcal puis retournais dans ma chambre m’en mettre une sévère…puisque c’est la seule chose réelle que je sais faire depuis cette nuit, me complaire dans cet idéal alcoolique… Elle ne serait jamais à moi, elle avait sa vie de famille à construire maintenant, avec le père de son enfant…j’en ai des nausées, rien que d’y penser…
Je ressortis de ma chambre à la nuit tombée, complètement torpillé par tout ce que j’avais picolé dans la journée. Faut dire aussi que je n’avais pas bu une seule goutte tant que j’étais avec le vieux bonhomme et les trucs qu’il m’avait fait fumer et ingérer devaient également jouer sur ma perception des choses… C’est en titubant dangereusement et rigolant de mon état que j’entrai dans un bar, attiré par les accords de guitare qui en provenaient. Je m’accoudais au comptoir et commandais une tequila, me demandant qu’elle serait ma prochaine proie pour la nuit. Ce soir, je me sentais en forme et j’espérais sincèrement que ma libido ne me laisserait pas tomber cette fois-ci… Mon regard tomba sur une petite brunette, au visage en forme de cœur qui me rappelait étrangement celui de… Edward, stop ! Je dus fermer un œil pour espérer voir cette femme à peu près clairement, bien que sa forme soit très, très trouble, quand elle n’était pas en double, voir triple exemplaire… Elle avait une quarantaine d’années bien tassé, mais elle était encore bien gaulée et sacrément bandante pour son âge. Toi ma mignonne, ce soir tu passes à la casserole… Je m’approchais d’elle et passais un bras autour de ses épaules.

- Eeeeeeh ! Sa-sa-saluuuuut ma joliiiiiiiie !

Je vis ses lèvres remuer mais je n’y comprenais rien, la musique allait tellement fort !

- Tu-tu-tu viens ? On-on vaaa chez touaaaa ou ché-chez mouaaaaa ?

Ses lèvres continuaient à remuer et ses yeux lançaient des éclairs. Je lui passais la main aux fesses, elles étaient fermes, et je me pris une beigne monumentale.

- Eeeeeh ! Cé-cé-c’est pa-pas la p-p-peine de faire ta sainte nit-nitouche !

Une main ferme se posa sur mon épaule et m’obligea à me retourner, tandis qu’une voix masculine et grave emplissait mes oreilles.

- …Ward ! EDWARD ! Mais qu’est-ce qu’il t’arrive bon sang ?


POV Bella :


Cela faisait maintenant un mois et demi qu’Edward avait disparu. Personne ne l’avait vu depuis qu’il avait quitté précipitamment sa maison, un sac à dos jeté sur les épaules et son passeport à la main. Je me rappellerai toujours de l’intense vague de désespoir qui m’avait submergée lorsque la bande s’était réunie autour de mon lit, à l’hôpital…

Flashback :

Je ne comprenais pas ce qu’il se passait… L’instant d’avant, il était là, voulant apparemment me parler, puis quelques secondes plus tard, il avait disparu. Lorsqu’Emmett me rapporta leur conversation, c’est là que je compris : il avait surpris la conversation avec Garrett, surtout vu le baiser et avait mal interprété les paroles échangées, persuadé que j’étais enceinte du pédiatre… Je ne sais pas ce qu’il s’était vraiment passé ensuite, je me rappelle seulement qu’il y avait eu beaucoup de cris entre Garrett, Jasper et Emmett… Garrett. Mais pourquoi ai-je répondu à ce baiser alors que je n’en avais pas envie ? Lorsque j’avais repris connaissance, Garrett n’était plus là et Rosalie, Alice, Tanya ainsi que la blonde qui était partie avec Edward, la veille, étaient dans ma chambre… Mais qu’est-ce qu’elle foutait là, celle-là ? Elle venait me narguer, hein ! C’est ça…

- Bella ? J-je m’appelle Kate, et avant que tu ne te fasses de fausses idées, je préfère t’apprendre qu’il ne s’est rien passé entre Edward et moi. J-je suis désolée pour hier, je ne savais pas. Tout ce que je peux te dire, c’est que vous avez un gros contentieux à régler tous les deux et qu’il est fou de toi.

Je regardais cette fille que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam et qui avait l’air profondément concernée par tout ce qu’il se passait entre Edward et moi, comme si elle souffrait pour nous. Je ne savais pas quoi lui répondre alors je lui fis un bref signe de tête, espérant qu’elle ne s’en formaliserait pas.
Je regardais ensuite les visages des autres, ils avaient tous cette expression peinée et inquiète dessinée sur le visage. C’est là que j’appris qu’Edward avait quitté sa maison, que Kate et Tanya, une fois mises au courant de la situation, avaient tenté de le stopper dans son élan, mais il ne les avait pas écoutées et était parti en donnant ses clefs à Kate et en jetant son téléphone portable dans la rue…
Je vis alors la pièce et la bande tournoyer autour de moi et me réveillais deux jours plus tard.

Fin flashback

Pendant un peu plus de trois semaines, Edward avait contacté Kate de temps à autre en lui disant qu’il reviendrait une fois qu’il s’en sentirait capable. D’après ce qu’elle avait compris, il était à l’étranger, et loin d’être sobre… Je sentais qu’elle me cachait quelque chose, mais elle me disait constamment que je me faisais des idées. Depuis maintenant trois semaines, Edward ne l’appelait plus, nous n’avions donc plus aucune nouvelle et je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour lui, ça me rongeait jusqu’au sang…
Kate était une fille très sympa et très gentille en fait. Elle m’avait raconté pourquoi elle avait fini dans les bras de… dans ses bras, et j’en étais triste pour elle, même si une part de moi en était terriblement jalouse. Elle m’expliqua alors que si elle se démenait autant pour lui et moi, c’est parce qu’elle voyait bien à quel point nous nous aimions et qu’elle refusait qu’un lien aussi fort soit brisé à cause de stupides malentendus…
Un lien fort, j’aurai aimé y croire… J’aurai pu y croire s’il n’était pas parti, s’il n’avait pas coupé les ponts avec nous tous… enfin, hormis Kate, qui, pour lui, était la seule personne qui ne soit pas impliquée dans sa folie…
Si son départ m’avait détruite, la disparition d’Edward m’avait complètement anéantie…
Je ne dormais plus, effrayée par les cauchemars qui m’envahissaient une fois que mes yeux se fermaient, et j’étais angoissée de ne pas savoir où Edward se trouvait et s’il allait bien… J’avais peur pour lui, mais surtout, j’étais terrorisée à l’idée de ne plus jamais le revoir… Toutes ces pensées et émotions négatives n’étaient bonnes ni pour moi, ni pour les bébés. J’avais donc été forcée, à la fois par mon médecin traitant, mon gynécologue, ma sage-femme de meilleure amie et la bande, de me mettre au vert, il fallait absolument que je me détende et la ville n’était apparemment pas ce qu’il y avait de mieux pour ça. Un matin, Emmett avait débarqué en rogne dans mon appartement, avec Rosalie et Alice qui s’étaient empressées d’aller faire mes valises, puis il m’avait emmenée jusqu’à Forks, chez mon père, tout en me prévenant que je devais voir le sien tous les deux jours, à l’hôpital. Emmett m’avait également assuré que son père ne savait pas que j’étais enceinte de ses futurs petits-enfants…
Résultat, cela faisait exactement une semaine que j’étais coincée dans ce trou perdu, à tourner en rond, tandis que Charlie passait son temps à me cocooner et à râler, à la fois heureux de devenir prochainement grand-père, mais acceptant très mal l’idée que sa petite fille chérie devienne mère-célibataire… Quoique, j’étais sûre et certaine que c’étaient les futurs ragots qui allaient courir sur mon compte que mon père ne supportait pas !
Charlie avait pris quelques jours de congés afin de s’occuper de moi, que je me fatigue le moins possible, mais surtout, il me torturait chaque matin en m’obligeant à grimper sur la balance pour contrôler ma prise de poids... Il refusait également que je fasse la cuisine, demandant à une vieille amie de la famille, Sue Clearwater, de passer. Je soupçonnais qu’il y avait quelque chose entre eux, mais Charlie n’avouerait jamais, il était bien trop pudique sur sa vie privée !
En me réveillant ce matin, le soleil filtrait à travers les volets.
Le soleil, un phénomène tellement rarissime à Forks que je comptais bien en profiter et passer la journée dehors ! Je me levais, pris un petit-déjeuner copieux, passais sous la douche, me lavais les dents et m’habillais, revêtant un bikini bleu nuit, un short en jeans délavé, un débardeur noir et une petite veste en jeans, avant de descendre préparer quelques sandwiches. Mon père arriva alors que je laçais mes chaussures de marche, sa canne à pêche à la main et son chapeau remplit de mouches et cuillères sur la tête. Il s’approcha de moi et m’étreignit brièvement.

- Bella ? Qu’est-ce que tu fais, ma chérie ?
- Pas grand chose Char… papa ! Il fait beau, j’ai envie de sortir et…
- Bella ! Tu sais ce qu’ont dit les docteurs Cullen et Gerandy ! Tu dois te reposer au maximum et faire le moins d’efforts…
- Efforts physiques, papa ! Là je vais seulement faire un peu de marche et ensuite me poser avec un bon livre.
- Tu vas où ?
- Hmmm… Je pensais aller à la clairière. C’est calme, personne ne va jamais là-bas et…
- Je ne suis pas rassuré, Bella ! Il y en a pour plus d’une heure de marche et dans ton ét…
- Je ne suis pas malade, papa, je suis enceinte ! Prendre l’air me fera le plus grand bien et…
- Et s’il t’arrive quelque chose ? Les téléphones portables ne passent pas ! Je viens avec…
- NON ! Ecoute papa… Je sais que tu t’inquiètes pour moi, mais je vais bien ! Et… j’ai besoin d’être un peu seule, tu comprends ? Occupes-toi de nous remplir le congèl pour dix ans, ok ?
- Hmpf… d’accord. Mais prends au moins un talkie-walkie avec toi, on ne sait jamais…
- Pap…
- Pour rassurer ton vieux père, Bella ! J’emmène le mien aussi.
- D’accord…

De toute façon, si je voulais avoir la paix, ce n’était pas la peine de discuter ! Charlie grommela quelques instants puis fila dans son bureau pour y prendre le talkie-walkie pendant que je préparais un sac à dos. J’y enfouis un thermos de café –enfin du déca- deux bouteilles d’eau, quelques sandwiches, des biscuits, quelques livres ainsi qu’un pullover bien épais, un pantalon en toile et un coupe-vent. On ne sait jamais, le temps pouvait très bien –et très vite- changer…
Alors que j’avais l’habitude de m’en servir depuis mon plus jeune âge, Charlie m’expliqua comment se servir d’un talkie-walkie et j’avais l’impression d’avoir cinq ans à nouveau. Je montais en voiture avec lui et il me déposa à l’orée de la forêt avant de prendre la route de la Push après qu’il m’ait fait promettre de me trouver au même endroit, ce soir, à dix-huit heures pile. Mouais, j’avais définitivement cinq ans à nouveau…
Je marchais lentement en prenant garde à ne pas trébucher et finis par arriver à la clairière après deux heures de marche, trempée des pieds à la tête ! Je m’extasiais devant la beauté sauvage de ce lieu. La clairière était parfaitement ronde, recouverte d’un tapis de fleurs jaunes, blanches, violettes et bleues et un cours d’eau la traversait au nord, formant comme une espèce de petite plage d’herbe, de fleurs et de cailloux. J’allais m’asseoir au bord du ruisseau qui serpentait à travers cet espace de verdure et me passais un peu d’eau fraîche sur le visage. Ma clairière… Je n’avais jamais emmené personne ici, c’était mon petit coin de paradis à moi, mon jardin secret.
Je transpirais comme une dingue après tous ces kilomètres et comme il faisait assez chaud en ce début de printemps, j’enlevais mon teeshirt afin de le faire sécher sur une grosse pierre plate et restais donc uniquement vêtue de mon short en jeans et de mon haut de bikini. J’enlevais mes chaussures de marche et mes chaussettes, puis trempais mes pieds dans le torrent, appréciant le contraste entre la chaude caresse du soleil sur ma peau et la fraîcheur de l’eau sur mes pieds et mes jambes.
Les loulous dansaient la samba dans mon ventre, ils me donnaient tous les deux des coups de pieds, quoique bébé A était plus agité que bébé B ! Comment ça bébés « A » et « B » ? Je ne connaissais toujours pas le sexe des enfants, je voulais encore attendre un peu avant de le savoir, et je n’avais, de ce fait, pas encore réfléchi aux prénoms… ce que j’aimerais faire avec Edward… Mon estomac se mit à gronder bruyamment et les vibrations avaient dû surprendre les jumeaux qui se remirent à courir un marathon ; je me jetais sur mon sac et dévorais trois sandwiches poulet/crudités, je crevais littéralement de faim, puis mangeais des chips et bus un café. Une fois mon repas terminé, je levais mon visage, contemplant le ciel d’un profond bleu et les quelques nuages moutonneux en rêvassant. Une main posée sur mon ventre qui commençait à s’arrondir timidement, je caressais doucement mon petit bidon en imaginant les jumeaux… Je n’avais pas de préférence, garçon ou fille, je m’en fichais éperdument, mais je ne souhaitais qu’une chose, qu’ils ressemblent à leur père, qu’ils aient tous deux ses splendides yeux d’un intense vert émeraude et cette même tignasse auburn et cuivre. Je souriais béatement en les imaginant parfaites reproductions miniatures d’Edward… Je m’imaginais ici, avec lui et nos enfants, quelques années plus tard… Edward… Il ne quittait jamais mes pensées au point que j’étais persuadée de le sentir près de moi…


POV Edward :

Hmpf… saloperie de soleil !
Pour une fois que je dormais bien, d’un sommeil dépourvu d’angoisses, il a fallu que le soleil pointe le bout de son nez à travers les volets et me chatouille les yeux…
Je grognais, ennuyé par un rayon qui caressait mon visage et me couvris les yeux d’un bras, marmonnant un tas d’insultes à l’intention de l’astre diurne qui m’avait arraché de ce rêve si vivace que je venais de faire… Elle ne quittait jamais mes pensées, et encore moins mes rêves… Bella.
Je restais encore cinq minutes à glandouiller dans mon lit puis jetais un bref coup d’œil au réveil, il était un peu plus de neuf heures. Je me levais rapidement et passais à la salle de bains pour me rafraîchir légèrement le visage afin de m’éclaircir les idées puis retournais dans la chambre et ouvris les volets. Un soleil éclatant illuminait le ciel d’un bleu profond dépourvu du moindre nuage. Ciel bleu et soleil, un phénomène rarissime à Forks !
Je descendis les marches quatre à quatre et me rendis dans la cuisine afin de me servir un café et croisais ma mère qui m’accueillit avec un petit sourire.

- Salut m’man !
- Bonjour mon grand, tu as bien dormi cette nuit, mon chéri ?
- Hmmm…

Je m’assis sur une chaise devant un grand bol de kawa fumant que ma mère venait de poser devant moi, tandis qu’elle me frottait les épaules d’un geste qu’elle espérait réconfortant. Je l’entendis trifouiller dans un tiroir puis quelques secondes plus tard, elle déposa une collection de cachets devant moi.

- Tiens mon chéri, ton père vient de changer ton traitement. N’oublie pas de bien le prendre, d’accord ? Tu sais que tu en as besoin
– Bien sûr que non, je n’ai pas besoin de ça !

Je commençais franchement à m’énerver, je n’avais pas besoin de tous ces cachetons, j’avais simplement besoin qu’on me foute la paix…et non de tous ces discours moralisateurs.

- Edward, s’il te plait… Si tu ne le fais pas pour toi, fais le au moins pour ton père et moi !
- Oui m’man…

Ma mère avait les yeux brillant et s’il y a bien une chose dont je voulais me passer, c’était de la voir pleurer… Je soufflais lourdement et avalais rapidement les pilules qui se trouvaient devant moi sous le regard scrutateur d’Esmée. Elle me sourit et tapota ma joue lorsqu’elle me vit déglutir, tandis que je me renfrognais. Je détestais ce qu’ils me forçaient à avaler, tout ce que je voulais c’était qu’on me foute la paix…
Je retournais dans ma chambre et me jetais sur mon lit, repensant à la raison de mon retour dans cette petite bourgade ennuyeuse et de cette médication forcée… Cela faisait une petite dizaine de jours que j’étais revenu ici, étroitement surveillé par mes parents qui m’avaient retrouvé complètement fracassé dans un bar de Tijuana… Je me rappelais les circonstances de mon retour « catastrophe », envahi par la honte… Vous avez déjà eu envie de vous enterrer au fin fond d’un trou ou de devenir complètement invisible pour échapper à la honte ? Moi oui. Depuis une dizaine de jours d’ailleurs… Depuis que j’avais connu LA honte de ma vie…
Lorsque ce vieux shaman, Yahuengo, m’avait ramené à Tijuana, mon premier réflexe avait été d’acheter un stock d’alcool que je m’étais avalé sur la journée. Le soir, j’étais entré dans un bar, espérant lever un joli p’tit lot, et alors que j’étais beurré comme un p’tit lu, j’avais dragué une nana, une jolie quarantenaire, espérant un temps oublier ma Bella dans ses bras. Si j’avais su, je n’aurais pas bu ou alors, je n’aurais pas dragué cette femme. Pourquoi ? Vous allez rire…
Vous vous rappelez cette jolie petite brunette d’une bonne quarantaine d’années ? Oui ? Ben… c’était ma mère. Ouais, j’étais tellement bourré que je n’avais même pas reconnu ma propre mère et que je l’avais draguée ouvertement !
Je ne me rappelais plus vraiment ce qu’il s’était passé ensuite, mais le lendemain matin, je m’étais éveillé dans une chambre inconnue et alors que j’essayais de me rappeler les circonstances qui m’avaient amené dans cette chambre, je vis mon père, endormi, assis sur une chaise juste à côté de moi. Lorsqu’il s’était réveillé et que son regard s’était posé sur moi, j’y avais lu peine, incompréhension et déception et je ne savais pas pourquoi… enfin, à ce moment-là. Carlisle m’expliqua qu’il avait voulu faire une surprise à ma mère pour leur anniversaire de mariage et il l’avait emmenée au Mexique. Lorsqu’ils m’avaient trouvé dans ce bar, cela faisait seulement trois jours qu’ils étaient là. Lorsque mon père avait vu un homme draguer sa femme, il avait été furieux et voulait lui apprendre à vivre, mais lorsqu’il s’était aperçu que c’était moi, il n’avait rien compris… Il avait bien vu que j’étais ivre et pensais que je voulais seulement m’amuser, mais après avoir appelé Emmett pendant que je dormais, il avait appris que je ne faisais plus que ça depuis quelques mois : picoler, glander et détruire mon existence et celle des autres.
J’avais eu droit à un interrogatoire digne du temps de l’Inquisition voire de la Gestapo « pourquoi tu bois ? » ou encore « et ça t’apporte quoi ? » et aussi « tu ne te rends pas compte que tu te détruis ? » et blablabla… et blablabla… Puis j’avais fini par fondre en larmes dans ses bras et lui expliquer que je buvais pour oublier la femme de ma vie, celle que je n’aurai jamais, celle sans qui je n’arrivais pas à vivre… Il pensait que je lui parlais de Jessica. J’avais oublié que la dernière fois où nous avions réellement parlé, je lui avais annoncé que je souhaitais demander Jess en mariage. Alors je lui ai tout dit. La façon dont Bella et moi nous étions rencontrés, les sentiments obsessifs que j’éprouvais pour elle, tous ces malentendus qui nous avaient constamment séparés mais surtout, la façon dont j’avais tout gâché, inconsciemment, mais que dans un sens, ce n’était pas plus mal puisqu’elle avait sa vie à vivre, mais pas avec moi… Mon père était vraiment triste pour moi et ma mère… Ben… ma mère avait des envies de meurtre à l’encontre de Bella pour tout le mal qu’elle m’avait fait. J’avais beau lui dire que ce n’était pas de sa faute, ma mère n’en démordais pas…
Avant même que je ne m’en aperçoive, j’étais dans un avion pour retourner dans l’état de Washington et le lendemain, je m’éveillais dans mon ancienne chambre d’ado chez mes parents. Mon père m’avait empêché de sortir pendant une semaine et avait vidé le bar, il n’y avait plus une seule goutte d’alcool chez eux, pas même une bière. Il est allé jusqu’à vider les flacons de parfum et balancer l’antigel ! Et je me retrouvais avec une collection de cachetons pour passer le sevrage à peu près tranquillement. D’après lui, j’avais eu beaucoup de chance de ne pas faire une crise de delirium. Ouais, super ! Par contre, les insomnies et les angoisses, je m’en passerai bien… Mon père était devenu fou lorsque j’avais refusé qu’il me traite à l’espéral puisqu’on ne doit surtout pas boire une seule goutte avec ce médicament, les conséquences seraient vraiment désastreuses. Moi, tout ce que je voulais, c’était qu’on me foute la paix… et aussi un bon cognac avec mon café…
Je me passais les mains sur le visage afin d’essayer de me débarrasser de toutes ces idées puis passais à la salle de bains prendre une douche. Il faisait beau aujourd’hui et j’avais envie de prendre l’air. J’enfilais un teeshirt et un bermuda puis descendis me préparer quelques sandwiches. Mes parents arrivèrent tandis que je remplissais un sac à dos avec de l’eau, du café glacé, des chips et mes casses-dalle.

- Edward, tu fais quoi ?
- Il fait beau, j’ai besoin de sortir me changer les idées.
- Tu veux aller où, Edward ?
- C’est bon papa, c’est pas la peine de me fliquer ! Je vais juste à la clairière…

Mes parents échangèrent un regard amusé, ce qui me surprit, puis mon père se tourna vers moi, un sourire entendu aux lèvres.

- C’est une excellente idée, fils. Je suis sûr que ça te fera le plus grand bien !

Je regardais tour à tour les sourires idiots qu’ils avaient aux lèvres puis une idée finit par germer… Tu m’étonnes, c’est surtout à eux que ça fera le plus grand bien d’avoir la maison vide ! Un frisson parcourut mon corps à l’idée de ce que mes parents pourraient faire une fois que je serai parti- beurk ! y’a rien de pire que d’imaginer ses parents au pieu !
Je filais de la maison sans demander mon reste et commençais à courir en direction de mon petit coin de paradis. Après une petite heure de marche, je finis par arriver et m’aperçus avec stupeur et ravissement que je n’étais pas seul…




* shilom : pipe conique utilisée pour fumer de l’herbe.